mardi 13 janvier 2009

En vue de nous faire connaitre je vous propose quelques une de nos publications antérieures.
par Ernest Mukuli

RD Congo
Yangambi vit toujours grâce à l'ingéniosité des chercheurs

(Syfia Grands Lacs/Rd Congo) Autrefois célèbre dans toute l'Afrique, l'Institut national d’études et de recherches agronomiques de Yangambi (INERA), près de Kisangani en Rd Congo, ne survit que grâce au travail et à l'ingéniosité des chercheurs, contraints de cultiver pour vivre et travailler. Grâce à eux, l'essentiel des infrastructures de l'institut a été préservé.

Dans la cour de la villa de Joseph Mabilo au quartier administratif de l’INERA à Yangambi, cité perdue en pleine forêt équatoriale à 90 km de Kisangani (Province Orientale, nord-est de la Rd Congo), des jeunes décortiquent du maïs. C’est le fruit de la récolte du mois d’octobre, tirée des champs que cultive cet ingénieur agronome à un kilomètre de là. Dernière sa maison, là où poussaient il y a quelques années encore l’herbe folle, on aperçoit des plants de manioc et de belles tiges de légumes. "Depuis cinq ans que je travaille ici comme chercheur, je ne vis que des travaux de mes champs", explique Joseph.
Dans la centaine d’autres villas que compte la cité, vestiges de l’époque coloniale encore en assez bon état, c’est partout pareil. Les parcelles des 22 chercheurs qui y travaillent encore sont parsemées de petites étendues de cultures de manioc, de légumes ou de niébé. En quittant Yangambi, tout le long de la route Ngazi qui mène vers le territoire de Banalia, plus au Nord, on aperçoit des champs de riz et de maïs. Ils appartiennent aux paysans mais aussi aux agents de l’INERA. L’agriculture est en effet devenue la principale occupation qui permet aujourd’hui au personnel du centre de vivre, et de garder espoir pour la relance de ses activités traditionnelles.

La descente aux enfers
Jadis réputé en matière de recherches agronomiques, l’INERA Yangambi a entamé sa descente aux enfers dans les années 70, après le départ massif des chercheurs expatriés. Devenu par la suite une entreprise publique, l’Institut ne reçoit plus que de maigres subsides de l’Etat, qui ne lui permettent pas de mener à bien ses cinq programmes de recherche dans le secteur café, cacao, riz, palmier à huile et en agro climatologie. Selon les propres mots de Bertin Kasongo, son directeur, "l’entreprise ne vit qu’avec des moyens du bord."
Pourtant le centre refuse de mourir. Même si les guerres des dix dernières années sont passées par là et que les routes inutilisables ont longtemps isolé Yangambi, le patrimoine de l’Institut reste encore en grande partie intact. Le complexe agropastoral a certes été mis à sac et le quartier commercial détruit. Mais l’usine de traitement de café et celle de l’hévéa bien que fermés, n’ont pas été endommagées. Les immenses tanks d’huile de palme de 400m3 de capacité chacune impressionnent toujours les visiteurs. Plus symbolique, les 4000 livres de référence et 2000 titres de recherche que compte la bibliothèque agricole sont jalousement gardés sur des vieux rayons…"Le maintien en état de ces infrastructures traduit notre volonté de relancer les activités de l’Institut", explique Bertin Kasongo.
C’est l’agriculture qui permet donc aux chercheurs et agents de l’INERA Yangambi de nourrir leurs familles et de poursuivre tant bien que mal leurs activités. Le directeur de l’Institut possède lui-même 2 ha de riz dans la forêt bordant sa résidence à Yangambi centre. "En 2007 j’ai récolté 2t de riz", dit-il. "Sans les champs, je ne peux payer les études de mes enfants", fait observer Bantodisa Koka Makanda, du programme caféier. En 2008, cet ingénieur agronome n’a cultivé que 80 ares de champ de riz et 50 de maïs. Il partage le gros de sa journée entre les champs d’expérimentation, le bureau du programme et le centre de recherches.

De bonnes bases pour la relance
Les champs ont aidé certains à s’acheter des motos, qui leur permettent de suivre sur terrain les travaux de leurs programmes d’activités. Car l’Institut n’a jamais arrêté les recherches malgré la précarité des conditions de travail. Dans le secteur café, après la maladie de trachéomycose qui a décimé les plantations dans cette région entre 1995 et 2000, l’INERA a réussi à sauvegarder des semences pour la relance de cette culture. "Nous disposons maintenant de sept clones d’élite du café marchand résistants aux maladies qui produisent entre 1000 et 1500 kg de café par hectare", témoigne l’Ingénieur Bantodisa Koka. Pour le riz, l’INERA conserve plus de 200 variétés. Les chercheurs étudient leur rendement et résistance face aux maladies et insectes, afin de mettre au point des techniques culturales qui conviennent pour une meilleure productivité…
Pour dynamiser leurs activités champêtres, ils ont monté une association, le Groupe d’encadrement et des initiatives d’autopromotion sociale. Elle apporte aussi son appui technique aux organisations paysannes de la région. L’Institut est cependant loin de sortir du gouffre. "Faire de la recherche en ce 21ème siècle sans Internet ni moyen de transport n’est pas possible", s’est exclamé Richard Zink, ambassadeur de l’Union européenne en visite à Yangambi en octobre. Il a toutefois salué les efforts de ces chercheurs qui, sans moyen, luttent pour que l’INERA Yangambi ne disparaisse pas.

version imprimable

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire